Le prix de tout, la valeur de rien.

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Terrible et implacable époque où l’intérêt décroît automatiquement dès que le prix d’un bien sur n’importe quel marché, descend où s’effondre.
Terrible sanction d’un « ça vaut plus rien »  lourd et massif  qui descend comme la lame de la guillotine sur l’émoi et l’enthousiasme suscités auparavant.

Comme si un objet ne pouvait avoir d’autre intérêt que sa valeur financière.

Ce « coming out » spéculatif et autre langage boursier ont imprégné toutes les sphères de la société et l’on s’aperçoit que l’intérêt voué à un objet, une chose, est trop souvent lié à sa côte sur le marché, (en a-t-il  toujours été ainsi ?). Nos « sémiophores » que sont les livres anciens et autres objets de collection n’auront plus de destinée, plus de pérennité s’ils ne valent pas leur pesant de cash. Nous avons bénéficié de « l’accumulation » d’une société extrêmement conservatrice et, de façon positive et négative, nous avons récupéré des documents et objets de cette société. Certains se réjouissent de rentrer dans une nouvelle ère qui pourra, du passé, faire table rase, de biens, de toutes ces choses y compris des enseignements utiles du passé. Au nom de la modernité, véritable Tsunami  sociétal, on peut s’interroger de ce que vont devenir nos vieilles pierres, nos musées et nos bibliothèques, d’autant plus qu’au nom des coûts, au nom de la bonne gestion, on pourrait déduire que la  priorité sera donnée à des équipements plus à la mode et plus visiblement utiles.

Pour ma part et au résultat des élections, j’ai beaucoup de mal à croire ceux qui veulent nous refourguer en tube,  la daube idéologique dont on avait pas voulu en morceaux.

Je crains le langage du Marketing qui a besoin de tout démoder pour nous vendre sans arrêt du nouveau au nom de l’industrie, la lutte contre le chômage et autres arguties (subtilités excessives d’argumentation dont on use pour pallier la faiblesse, le vide ou la fausseté de la pensée) usées jusqu’à la corde.

Si l’on pouvait raisonner « en valeur absolue » se dégager des courants de mode pour pouvoir appréhender ce qui nous entoure en dehors de la valeur financière, pouvoir juger l’intérêt de tel où tel objet mobilier où immobilier par son importance culturelle ou historique en tempérant l’ardeur des plus  enragés de la destruction du passé car, avec un peu d’expérience et de savoir, ce qui a paradoxalement du prix et de la valeur ensemble a été sauvegardé de haute lutte.

Prenons simplement deux exemples historiquement opposés: les monuments religieux et châteaux qui ont été démolis pendant la révolution française (Cf. par exemple les monuments détruits de l’art Français de Louis Réau) par négligence, par inintérêt, par volonté de détruire des symboles (de l’ancien régime par exemple) ou pour des raisons financières (l’histoire de nos villes françaises en est remplie d’exemples) et je fais volontairement exception des monuments détruits par les guerres.
Deuxième exemple: les livres défendant des idées matérialistes au XVIII ème ou les livres libertins et érotiques tombées dans les mains de personnes très croyantes ont été éliminés en très grand nombre et notamment au XIX ème sous l’influence d’un retour à l’ordre moral, mode de l’époque (pour l’anecdote, Napoléon aurait jeté au feu un livre du Marquis de Sade (Justine), d’après le Mémorial de Sainte-Hélène), aujourd’hui ces livres sont « plutôt » recherchés.

Pour nous, Libraires d’Anciens, nous subissons l’époque qui nous démode et nous ringardise, surtout si l’on s’attache et continue à défendre les valeurs de livres dont le prix s’effondrent sur le marché … Au feu:

Bernardin de Saint-Pierre,
Corneille,
Alfred de Musset,
Lamartine,
Fenimore Cooper,
Walter Scott,
Byron,
Racine,
Molière,
Michelet …
Et cætera?

Victimes de leurs multiples éditions?
Séries devenues invendables, bonnes pour décorer des bibliothèques d’Hôtels de Luxe et qui finiront éparpillées, coiffes arrachées tome 2 par ci, tome 5 par là?
Culture Classique devenue symbole rasoir de l’éducation scolaire?

Personne ne veux l’avouer, car en matière de Culture, beaucoup de croyants mais très peu de pratiquants …

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